Tu es à moi... [Jyou]

Cela faisait maintenant deux jours qu’elle avait rencontré sa Tsuyoi. Cette femme, répondant au nom de Jyou Shizuki, et qui allait désormais… prendre soin d’elle. Si on pouvait le dire comme ça. Bon sang mais pourquoi lui avait-on donné quelqu’un ? Après tout, elle maîtrisait parfaitement son démon, ils étaient même pratiquement fusionnés. Alors à quoi bon ? Ou peut-être était-ce justement ça qui les intéressait ? Oui peut-être… Après tout, pourquoi pas ? Ces Tsuyoi sont si tordus. Ca ne l’étonnerait même pas. Ils ont tellement soif de savoir, de pouvoir… N’importe quelle raison était bonne pour les garder, et pour essayer d’en faire à nouveau leurs esclaves, leurs jouets, des objets soumis entre leurs mains souillées par la perversion.

Omi venait de terminer son travail, mettant à jour ses dossiers et fiches. Elle avait voulu en faire un maximum pour donner moins de boulot à faire à la jeune Oni, pour qu’elle ne se sente pas débordée et qu’elle ait une vie en dehors de son rôle de Reine. Elle était toute jeune, il fallait qu’elle en profite. On a pas dix-neuf ans pour toujours… Le Roi empila tout ce qu’il avait fait comme travail, avant de tour ranger. Maintenant que son bureau était nickel et dans un ordre parfait, elle pouvait sortir pour prendre l’air. Elle resta quelques instants à la fenêtre, à se fumer une cigarette, avant de marcher dans les couloirs. Elle ne savait pas où aller… Peut-être irait-elle au réfectoire, pour voir s’il n’y avait pas quelque chose à grignoter.

Mais alors qu’elle passait dans le couloir, elle vit Jyou, assise sur un banc. Que faisait-elle ? Elle n’était pas seule en tout cas. Un Tsuyoi ? Qu’est-ce qu’il faisait celui-là ? Il n’allait pas s’en tirer comme ça !

L’aura menaçante, la louve s’approcha d’un pas rapide vers les deux Tsuyoi, son collier se balançant contre son buste, les pans de son gilet sans manches flottant à peine à chacun de ses pas. Elle s’arrêta juste devant eux, avant d’attraper l’homme qui comptait fleurette, par le col de son tee-shirt. Elle le plaqua contre le mur, les deux mains empoignant le cou de cet homme qui semblait se croire le plus beau du monde.

« Tu fous quoi toi ? »
« Qu’est-ce que t’as toi ? T’as un problème ? »
« Ouais. Et c’est toi. Alors tu dégages ! »

Elle le jeta plus loin. Grâce à la force de Cerbère, il fit un vol plané de quelques mètres, se mangeant le sol. Il se redressa et voulut revenir. Mais Omi le regarda avec ses yeux d’un rouge sang. Le Tsuyoi se figea tout à coup. La louve s’approcha de Jyou, et vint s’installer à côté d’elle. Elle s’allongea sur le banc, la tête sur les cuisses de la belle jeune femme. Elle… marquait son territoire de cette façon. Elle voulait montrer à cet homme qu’elle lui appartenait, et qu’il n’avait pas intérêt à s’approcher. D’ailleurs, il partit, ne cherchant pas plus loin. L’androgyne, elle, ne bougeait pas quand même. Ses yeux étaient redevenus vairon, et son regard fixait le vide, bien que son visage était parfaitement visible par Jyou.

« Il te voulait quoi celui-là ? »

Deux jours maintenant, qu'elle avait rencontré sa Yowai. Cette rencontre à la bibliothèque était assez étrange, on ne saurait pas dire si ça s'est bien passé ou non. En tout cas, ça aurait pu être pire pour Jyou, sa Yowai aurait pu être une grosse brute épaisse. Ou pareil pour Omi, sa Tsuyoi aurait pu être un gros pervers. Depuis qu'elle a croisé Omi, elle voyait les Yowai différemment. Elle les regardait, non pas avec de la compassion, mais avec un oeil plus réfléchit. Une pathologie mentale n'était rien à côté d'un démon, seulement le problème était là: Comment chasser un démon d'un corps ? L'exorcisme... Mais ce truc n'a jamais marché ! C'est ce que font les charlatans pour gagner de l'argent. La brune n'était pas comme ça.

Le temps était vite passé, donc. Ce jour-là Jyou choisit de passer par le rez de chaussée pour prendre l'air. Sa journée n'a pas été longue, mais elle avait commencé à se mettre au travail, ayant pris plusieurs notes sur un carnet qu'elle a laissé dans sa chambre. Maintenant il fallait profiter. Le mieux c'était le calme que procurait la nature... Mais ... Oh ! Son lacet était défait. La tsuyoi alla sur un banc pour le refaire... Solitude troublée, un type tsuyoi s'est ramené et s'est assis à côté d'elle. La jeune femme ne lui a même pas accordé un regard, mais il ne comptait pas partir celui-là...

Salut.
Hey.

Il semblait un peu bloqué, en voyant que sa cible semblait peu bavarde et sèche. Il a laissé un blanc, Jyou s'est levée assez vite quand son lacet fut fini mais il lui attrapa le poignée en lui incitant à s’asseoir. D'abord la brune haussa un sourcil, puis s'exécuta.

Tu es nouvelle ici ?
Oui.
Tu es mignonne.
Ah. Merci.

Mais la jeune femme n'était pas dupe, elle comprenait tout de suite ce genre de technique d'approche... Mais bon, il ne la dérangeait pas pour l'instant. La conversation ne volait pas haut, et les questions du jeune homme recevaient des réponses sèches. Au final, elle tourna la tête vers lui et lui demanda de partir mais il refusait. Ce tsuyoi était du genre à ne pas abandonner et avoir sa cible, quitte à en recevoir pleins la figures au départ. Mais... Il allait en recevoir pleins la figure ! Omi arriva à pas assuré et le chassa.

Oh non, pas elle.

Il restait à savoir comment Omi allait l'interprêter: humour ou non ? L'intonation avait un petit grain de folie qu'on entendait si on était bien à son écoute. Elle s'étonnait de l'ardeur que mettait sa Yowai dans sa bataille avec ce ... type. Pourquoi elle était comme ça ? Ah non, plus étonnant... Pourquoi elle s'allonge en mettant sa tête sur les cuisses de Jyou ? L'anarchiste se mordillait nerveusement les lèvres pour se calmer petit à petit. Ce n'était pas si désagréable...

Il te voulait quoi celui-là ?
Des enfants, je crois bien.

Ou pour ne pas dire autre chose de plus vulgaire. Elle baissa la tête vers le visage d'Omi.

Dis ? Il est comment ton démon ?

L'homme n'était pas resté bien longtemps. Il avait bien compris qu'il n'était pas le bienvenue ici et qu'il risquait gros si jamais il insistait. Alors il était parti sans insister, sans demander son reste. Notamment quand il avait vu la Yowai s'allonger sur le banc et poser la tête sur les cuisses de la Tsuyoi. Omi n'avait pas écouté la réplique de Jyou, bien trop occupée à vouloir chasser cet homme qui avait été bien trop proche à son goût de la brune.

Allongée sur le banc, la tête posée sur les jambes de la jeune femme, la louve commençait à se détendre petit à petit, à se calmer. En plus, ce n'était pas du tout désagréable ça... Bien au contraire même. Ca donnait envie de fermer les yeux et de se laisser bercer. Ramenant une jambe plus près son corps, le pied sur le banc, Omi leva les yeux vers Jyou, croisant son regard. Elle fronça les sourcils à sa réponse. Bizarrement, ça ne l'étonnait même pas. Elle émit un léger grognement désapprobateur, calant encore plus sa tête contre le corps de la jeune femme. S'il repassait, il allait comprendre qu'il était loin d'être le bienvenue.

« Bizarrement, j'm'y attendais. »

Il y avait vraiment des bandes de pervers ici... N'avaient-ils que ça à faire ? Les choses n'avaient pas beaucoup changées, elle le savait, ce n'était que les apparences. Au fond, les Tsuyoi continuaient. Ils prenaient toujours cet endroit pour un petit paradis, où on pouvait assouvir ses désirs de vices en toute impunité, que ça soit la torture ou la chaire. Et peu importe si l'autre est consentant ou non.

« Hein ? »

Son démon ?

« Il est comment ? »

Omi haussa un sourcil, étonnée de cette question. Qu'est-ce qu'elle cherchait en demandant une telle chose ? Elle tentait d'avoir la réponse en fouillant dans son regard, sans pour autant bouger de sa position, ses bras posés sur son propre corps.

« Il ressemble à un loup géant. »

Elle la regardait toujours, droit dans les yeux. Quelque part, au fond d'elle, le jeune Roi doutait que la jeune femme se contente de cette réponse. Mais une idée germa au fond de son esprit. Si jamais ce qu'elle pensait s'avérait juste, elle pourrait toujours installer... un petit jeu ? Une question chacune leur tour.

Au final, ce n'était vraiment pas si difficile de accommoder à la position qu'à pris la Yowai. D'accord, Jyou remettait nerveusement ses mèches d'un mouvement de tête au départ, mais son malaise est vite passée, elle avait eu envie de discuter avec Omi à présent. En fait, elle lui en devait bien une pour lui avoir débarrassé de ce pot de colle. La compagnie masculine ne dérangeait pas la brune en temps normale, mais quand on est lourd, on est lourd... Il y a des limites et cette technique d'approche faisait tellement pitié.

Bizarrement, j'm'y attendais.
Il n'est pas difficile de comprendre les intentions de ce genre de personnes...

Autant lire les gros titres des journaux en première page... Mais Jyou s'étonnait de la réaction d'Omi. Ce petit grognement qui avait résonné entre ses dents. Pourquoi ? Par contre, lire les intentions d'Omi étaient très difficile, c'était comme lire du cambodgien. Remarquons que c'est aussi le cas de la tsuyoi, alors elles étaient, entre autre, quittes.

N'exprimerais-tu pas une forme de jalousie ?

La rebelle s'étonnait de sa question. Comme si Omi pouvait être jalouse de quelque chose... L'image qu'elle a laissé paraitre d'elle la dernière fois était celle d'une personne qui savait profiter de la vie... Jyou se doutait bien que la louve n'avait pas de relation stable. Cette fille qu'elle avait embrassé la dernière fois, il n'y avait pas le moindre sentiment amoureux, elle l'avait ressentit. C'était plutôt de la sympathie. Embrasser sympathiquement une personne... Il ne fallait pas demander pour le rester. Faire des parties de jambes en l'air entre amis, pourquoi pas ? Et puis... ce n'était pas de ses affaires, Omi faisait ce qu'elle voulait. Sauf que cette pensée lui a fait grincer des dents... Embrasser n'importe qui ? N'étant pas du genre à se mêler de ce qui n'était pas son business, elle aimerait tout de même savoir sa Yowai entre de bonnes mains, et pourquoi pas des siennes... ? Et uniquement des siennes ! Trop de questions dans sa tête... Elle se demandait déjà comment une telle pensée possessive à pu lui venir à l'esprit. C'était du grand n'importe quoi.

Hein ?
Deux.
Il est comment ?
Oui.
Il ressemble à un loup géant.
Je m'en doutais.

Ca se voyait comme le nez de la figure. Si Omi venait à mourir, Jyou se dirait immédiatement qu'elle se réincarnerait en loup. Libre et sauvage ! Quelque chose ne voulait pas sortir. Quelque chose qu'elle tente de caser depuis sa rencontre avec Omi. Après un léger blanc, elle se concentra.

J'aime tes yeux, ce sont des yeux de loups.

UN compliment. UN seul, depuis le début, alors que Jyou aimait bien le sarcasme, se moquer de son interlocutrice, la rendre confuse. Mais ce compliment était très pensé. Il y en avait d'autres, mais l'anarchiste n'était pas du genre à couvrir ses connaissances de compliments encore et encore. Un c'est déjà suffisant et c'était là déjà une preuve qu'elle n'était pas totalement indifférente à Omi. Les gens ne savent pas ce que ça fait que de recevoir un compliment de chez Jyou, elle est bien trop réservée et sèche aux premiers abords.

« Là, tu marques un point. »

Les intentions de cet homme avaient été plus que lisibles. Il aurait pu avoir une pancarte qui marquait ce qu’il désirait, ça aurait été exactement la même chose. Ce genre de personnes n’était malheureusement pas rare par ici… Ils étaient plus fréquents parmi les Tsuyoi qui se croyaient tout permis, que chez les Yowai qui avaient déjà fort à faire avec leurs démons.

Elle commençait à fermer les yeux, mais la question de Jyou la fit sursauter dans son esprit. Elle en ouvrit grand les yeux, dirigeant son regard vers le sien. Elle était sérieuse en disant ça ? Omi ne saurait le dire. Elle soupira, serrant les dents, sa tête se tournant à l’opposé, comme si elle ne voulait pas que la jeune femme puisse voir son regard.

« T’es dis de ces conneries… »

Jalouse ? Elle ? Et puis quoi encore… Quoi que… C’était vrai que sa réaction possessive avait été plutôt étrange…

Vinrent les questions sur le démon d’Omi. Mais elle s’étonnait de voir que Jyou ne posait pas plus de questions que ça… Elle aurait cru qu’elle aurait cherché à savoir un maximum de choses sur le démon de la jeune louve. Mais elle n’avait rien demandé d’autre. Bizarre.

« Tu t’en doutais ? Pourquoi ? »

Sans doute à cause de son apparence. C’était vrai qu’elle avait prit quelques traits lupins, à cause ou plutôt grâce à la fusion avec son démon. C’était sans doute à cause de ça qu’elle avait trouvé la nature de son démon et que du coup, ça n’avait rien d’étonnant que ça soit un animal.

Sa phrase l’étonna. Elle ouvrit à nouveau les yeux en grand, fixant ceux de Jyou. Ouah... Un compliment de sa part ? Apparemment, c'était surtout ses yeux qui expliquaient qu'elle ne s'étonnait pas de la nature lupine de la jeune femme. Alors là, elle était sur le cul ! Elle ne s'y était vraiment pas attendue, loin de là. Elle s'était déjà habituée aux sarcasmes et moqueries de la Tsuyoi. Alors un compliment de sa part... Ouah...

« Je... »

Omi s'était relevée. Elle se mit à coté de Jyou, les jambes autour du banc, se rapprochant de la jeune femme au regard profond.

« Merci... »

Elle avait murmuré ces mots. Cette femme était si... mystérieuse. Tout son être envoûtait la louve. Elle se rapprocha d'elle, petit à petit, toujours plus près. Ce fut son visage à présent qui se pencha vers le sien. Ses lèvres vers celles pulpeuses de Jyou. Son odeur alléchante. Son souffle enivrant. Cette femme si sensuelle... Leurs lèvres n'étaient séparées que de quelques millimètres. Leurs souffles brûlants se mélangeaient. Ses yeux commençaient à se fermer. Mais elle se redressa, se remettant droite, assez gênée. Mais elle devait le cacher. Bon sang... Qu'est-ce qu'il s'était passé ?

« Euhm... Tes yeux sont très beaux aussi... Ils sont... profonds. »

Là, tu marques un point.
Toujours.

La tsuyoi aimait bien se vanter ironiquement comme ça. Elle sait parfaitement qu'elle n'a pas toujours raison mais c'était un plaisir de se faire passer pour une personne qui a ce comportement. Les autres pouvaient le prendre à la plaisanterie ou très mal. Le résultat importait peu, car dans les deux cas, sa vie n'en serait pas brusquement bouleversée. Tant pis si les gens prenaient tout au pied de la lettre, c'est bien malheureux à dire.

Tu dis de ces conneries…
Ah mais pas tant que ça, puisque j'ai toujours raison.

Jyou s'était bien amusée de la réaction étonnée d'Omi, de la voir tourner la tête pour cacher son expression, que la tsuyoi devinait ... plutôt gênée ? Ou alors bornée. Une expression qui exprimerait un effort pour ne pas se mettre à rougir brutalement comme ça... La louve semblait trop fière pour être soumise à un sentiment de faiblesse face à une autre personne, ce genre de sentiment que l'on appellerait communément " Amour ".

Eh, regarde moi, tu te défiles ... Tu es gênée ?

Cette question était encore pire que la précédente. Être gêné était certainement plus évocateur qu'être jaloux. La jalousie existait chez les amis. Par exemple personne n'aimerait voir quelqu'un lui prendre son ou sa meilleure amie. Mais Jyou n'était pas l'amie d'Omi. C'était loin d'être de l'amitié, à les voir, on pourrait penser que c'était l'opposé, jusqu'à ce que la louve pose sa tête sur les cuisse de sa tsuyoi. Des ennemis n'auraient pas fait ça. Alors, qu'est ce qu'elles étaient ces deux là ?

Tu t’en doutais ? Pourquoi ?
Je ne dirais pas que tu te comportes comme un loup, je ne connais pas très bien le comportement du loup. Mais... je ne sais pas, si tu devais être un animal, je t'aurais immédiatement donné le loup. Ce doit être quelque chose comme ... l'instinct féminin.

Son compliments a fait effet, même bien plus qu'elle l'aurait pensé. Omi s'est redressée et semblait assez perdue... Elle bégayait, chose qui n'était pas habituelle chez une personne aussi assurée et forte qu'elle. C'était un spectacle assez unique et ravissant aux yeux de la brune qui l'observait sans rater un seul instant. L'anarchiste trouvait la Yowai très amusante, mais s'abstenait de tous commentaires. Elle n'avait pas envie de rire, en fait elle n'avait presque jamais envie de rire... Elle aimait bien se moquer mais ce n'est pas dans le but de rire de ses railleries, mais bien d'embêter les gens jusqu'au bout.

Je...
Hm... ?
Merci...
Ah. De rien.

Son regard habituellement strict et peu chaleureux était plus détendu depuis l'arrivée de la louve. En même temps, elle préférait sa présence à elle que celle d'un gros lourd inutile qui ne pensait qu'à des choses infâmes. Maintenant ce fut le tour de Jyou de s'étonner. Elle a bien failli se faire embrasser là ? Elle s'est surprise voir ses yeux se fermer tout seuls, mais se recula assez rapidement, en même temps qu'Omi. Non. Il ne fallait pas faire ça, elle ne voulait pas revivre ce genre d'expérience, il n'y avait rien de plus blessant. Et puis elle n'était pas amoureuse de cette femme. C'était ce qu'elle s'efforçait de penser.

Euhm... Tes yeux sont très beaux aussi... Ils sont... profonds.

Jyou eut du mal à se retenir de... rire. Y parvient tout de même.

Mes yeux ? Ils sont banals, tu peux le dire. Ce qui les différencie des autres yeux c'est qu'ils ont connus la folie, ils l'ont vues sous toutes ses formes pendant plus de 15 ans.

Chose à nouveau étonnante, c'est qu'elle l'ouvrait un peu trop par rapport à l'habitude. Elle se disait juste qu'Omi n'aurait pas besoin de plus de détail pour comprendre qu'elle a eu un passé marquant, bien que les détails n'y sont pas et n'y seront probablement pas avant longtemps.

Tsss… Cette femme s’y croyait vraiment. Elle se prenait pour quoi ? Ou tout simplement pour qui ? C’en était gerbant… Cette femme n’avait aucune humilité on dirait. Et elle continuait encore plus ! Elle aimait se mettre en avant ou quoi ? Toujours raison ? Eh ben… Ca l’ennuyait et cette femme descendait dans son estime. Enfin, si c’était possible. Mais après tout, ça lui ressemblait. Elle était sarcastique. Alors pourquoi s’en étonnait-elle ?

Elle ? Gênée ? Bon sang mais elle la cherchait ou quoi ? Omi fronçait les sourcils, mais ne se retournait pas. Elle ne devait surtout pas montrer ses joues qu’elle sentait se teinter légèrement de ce rouge si significatif.

« Moi ? Dans tes rêves oui ! »

Non mais et puis quoi encore ? Hors de question qu’elle soit jalouse, et encore plus gênée par les propos de cette femme si hautaine !

En tout cas, elle eut l’explication de pourquoi elle ne s’était pas étonnée que le démon d’Omi soit un loup. C’était un peu maladroit, et pas du tout habituel du comportement de Jyou… Mais tout était plus clair. L’instinct féminin… Oui, ça pouvait être une bonne explication. Après tout, l’instinct était fort et pouvait faire de grandes choses. Alors ça collait pour la jeune louve.

Le comportement de Jyou face au rapprochement soudain de la Yowai fut… étrange. Au moins aussi étrange que celui du jeune Roi. Elle avait aussi fermé un peu ses yeux. Mais elles s’étaient toutes les deux… réveillées ? Oui sans doute. Toujours était-il qu’elles s’étaient reculées l’une de l’autre, pour ne plus avoir à sentir ce rapprochement si étroit, ni ces sensations… envoutantes… Omi regarda la Tsuyoi du coin de l’œil. Elle en avait envie… Mais elle ne voulait pas se l’avouer. Ca non, jamais !

Son commentaire sur ses yeux étonna la jeune louve. La folie ? Pendant au moins plus de 15 ans ? Qu’est-ce qui avait bien pu lui arriver dans sa vie pour qu’elle dise de telles paroles ?

« Jyou… ? »

Elle sentait comme quelque chose de lourd… De très lourd. Un poids violent dans son passé. Mais est-ce que la jeune femme oserait en parler ? Non, Omi en doutait fortement. Elle l’aurait sans doute dit. Ou alors, peut-être avait-elle besoin d’un coup de pouce pour pouvoir commencer.

Omi se rapprocha de Jyou, lentement. Tendant ses bras, elle les passa autour de son corps, avant de la faire venir contre elle. Le dos de la brune sensuelle contre le buste presque plat de celle aux yeux vairon. Ses bras l’enlaçaient avec une certaine tendresse et chaleur.

« Ton passé est-il si lourd… ? »

Elle le sentait ainsi en tout cas. Ses bras se mirent à étreindre la jeune femme avec plus de ferveur, mais sans aucune violence ni brutalité. Non, tout était doux.

« Raconte-moi... »

Quelque part, elle avait envie de savoir. C'était étrange comme volonté, surtout que tout les éloignait. Mais le jeune Roi avait... cette envie de connaitre la Tsuyoi, cette rebelle sensuelle qui la fascinait. Son visage se logea tout naturellement dans le creux du cou de l'anarchiste, les yeux clos, se laissant bercer par le parfum et la voix de la jeune femme. Elle voulait l'écouter, elle le pourrait pendant des heures entières.

« Mon enfance... Moi je n'en ai jamais eue... Je l'ai passée à me battre chaque minute qui passait, pour pouvoir survivre dans ce monde implacable. »

La douceur de sa peau... Elle la désirait... Omi ne résista pas bien longtemps et finit par céder. Elle leva l'une de ses mains, afin de dégager la chevelure sauvage de la belle, dévoilant cette chair pâle et si lisse. Ses lèvres allèrent rencontrer la peau du cou de Jyou, goûtant à sa fraîcheur. Un bref frisson parcourut son corps. Jamais elle ne se serait douté qu'elle aurait une telle saveur...

Malgré les contestations d'Omi à propos de sa question, Jyou était toujours persuadée du contraire. La louve était gênée, sinon elle se retournerait pour recroiser son visage. Là, non, elle continuait à cacher son visage, pour une raison inconnue, mais un tas de réponses plausibles étaient possibles. L'anarchiste n'en a pas tenu plus d'attentions. Cet animal là était têtu, elle n'y pouvait rien.

Moi ? Dans tes rêves oui !
J'ai autre chose à rêver que de toi, quand je dors, tu sais.

Pour l'instant. Ses deux dernières nuits, elle n'a pas retenu ses rêves, mais selon elle, ce n'était pas Omi qui est apparue. Ce qu'elle dit !

Jyou vit que son commentaire concernant ses yeux intéressait Omi. Incompréhensible, ce roi des yowai. Qu'est ce que ça pouvait lui faire dans le fond ? Dans le fond ça faisait plaisir à la jeune femme que son interlocutrice s'intéressait un temps soit peu à sa vie... Sauf qu'elle avait peur d'une chose, c'était la compassion. La pitié. Deux raisons pour laquelle elle n'a jamais rien dit à personne concernant son passé. Il n'aurait même pas été impossible qu'on lui dise qu'il était justifiée puisqu'elle paraissait cinglée aux yeux de certaines personnes.

Jyou… ?
Hm ?

Surprise ! Oh, quelle surprise ! La brune ne s'est doutée de rien en voyant la louve se rapprocher d'elle. Ce n'est qu'en la voyant tendre ses bras pour la prendre contre elle qu'elle comprit ce qui lui arrivait... mais quelle surprise !

Ton passé est-il si lourd… ?
Eh bien...
Raconte-moi...

Il y a eu un blanc. En fait, Jyou n'avait pas fait attention tout de suite à ce que lui a dit Omi, elle était juste entrain de fermer les yeux, se sentant étrangement bien ! Cette sensation qui l'envahissait, elle la connaissait mais ne l'a pas ressentie depuis très longtemps, à tel point qu'elle ne saurait pas dire quand est-ce qu'était la dernière fois qu'elle a eu ça. Elle tourna la tête, se trouvant assez proche du visage du roi.

Eh bien...

Ses yeux exploraient les lèvres d'Omi... Même pendant qu'elle parlait. Elle était plongée...

Mon enfance... Moi je n'en ai jamais eue... Je l'ai passée à me battre chaque minute qui passait, pour pouvoir survivre dans ce monde implacable.
Ce monde implacable ? J'en sais rien je ne le connais pas si bien que ça.

Omi avait commencé à raconter une partie de son passé, et avait bien fait comprendre à Jyou qu'elle portait aussi un poids. Un poids bien lourd. Ces deux femmes ne sont peut être pas si différentes après tout ? La curiosité de l'anarchiste était trop forte, elle voulait connaitre le passé d'Omi, mais elle refuserait certainement de lui dire si elle ne disait pas son passé non plus ... Ce qui semblait logique.

J'ai grandi dans un asile.

Cette phrase a été mâchée et est sortie avec une énorme difficulté, mais elle est sortie. Elle avait honte.

Et toi ?

Il y avait quelque chose d'étrange... Quelque chose de différent entre elles. Omi ne saurait dire quoi ni pourquoi. Elle ne s'en rendait pas tellement compte elle-même. Mais quelque part au fond d'elle, elle le sentait. L'ambiance avait changé. Leurs corps si proches l'un de l'autre, touchés dans cette enlacement, changeaient quelque chose. Mais quoi ? C'était un grand mystère auquel elle ne saurait répondre. Elle doutait avoir envie de trouver la question. Mais pourrait-elle au moins la chercher ?

Ses lèvres continuaient de frôler la peau douce de Jyou, savourant ce goût insoupçonné. Qui aurait pu croire que cette femme aurait un parfum si délicieux et que sa chair soit si agréable à sentir... à embrasser... Elle avait goûté à quelque chose d'interdit. Et maintenant, la saveur de la peau de la Tsuyoi hantait ses lèvres et son esprit.

Finalement, elle se mit à parler. Ses yeux se relevèrent, cherchant les siens. Elle redressa également son visage, le sien se retrouvant non plus baissé sur l'épaule maigre de la brune sensuelle, mais à la même hauteur que le sien justement. Toujours côte à côte car la Yowai était dans son dos, ses bras toujours autour des siens.

« Oui... Ce monde est noir et pourri jusqu'à la moelle. Ici, on voit la véritable nature de tout ce qui est, l'hypocrisie en moins. Pourquoi se cacher quand on est impuni, après tout ? On a pas besoin de faire bonne figure ici. Hors de ces murs, la vie est pire, car les coups ne sont plantés que dans le dos et de façon vicieuse. On ne t'aide pas, mais on fait semblant. Tu n'es qu'un objet qui sert à élever les autres, tu sers de piédestal et tu es écrasé sans qu'on se soucie de ce que tu peux ressentir. Ici, on ne te le cache pas... On rit de ta souffrance à ton visage, et pas dans ton dos. »

Sa réponse à la question sur son passé l'étonna... Drôle d'endroit pour grandir. Il y avait plusieurs raisons à ça, mais le jeune Roi doutait connaître la réponse.

« Un asile ? Pourquoi ? »

Pour elle... Elle non plus n'avait pas grandi dans un endroit qui était conseillé, loin de là. C'était sans doute même l'un des derniers endroits où on enverrait un enfant.

« J'ai grandi dans la rue... »

Elle n'avait jamais été ailleurs. Abandonnée dès sa naissance, livrée à elle-même mais sans doute plus à la mort qu'à la vie, elle avait toujours du se battre. Si elle était en vie aujourd'hui, c'était sans aucun doute grâce à son démon. Du moins, c'était ce qu'elle pensait. Comment ça aurait pu en être autrement vu qu'elle n'avait jamais eu de famille ? Ca ne pouvait être que lui qui l'avait sauvée de la mort.

« Je n'ai pas de parents. Juste des géniteurs dont je ne sais rien et dont je ne veux rien savoir. »

Qu'est-ce que ça lui apporterait de toute façon ? Son père était un simple violeur, et sa mère une femme égocentrique qui ne l'avait mise au monde que pour éviter les séquelles de l'avortement à cause d'une grossesse découverte bien trop tard. Alors non, Omi n'avait aucune envie de connaître ceux qui lui avaient donné la vie. De façon non désirée... Elle avait froncé ses sourcils en parlant de ses parents, de cette famille qu'elle reniait totalement. On devinait facilement qu'il n'y avait aucun amour ni tendresse pour eux dans son coeur.

Ses doigts se serraient même sur le haut de la belle Jyou, froissant son vêtement sans s'en rendre compte. Sans doute ses griffes risquaient de causer quelques déchirures dessus, voire des trous tout en longueur. Mais son esprit était si aveuglé par la haine qu'elle ne se rendait absolument pas compte de ses propres gestes. Ses jambes se repliaient sur le banc, autour du corps de la Tsuyoi... Comme un enfant s'agrippant à une peluche géante.

La vision du monde qu'avait Omi était particulièrement sombre, comparée à celle de Jyou qui avait la sienne. C'était une étendue infini de blanc, et au commencement de ce fond uni, il y avait un bâtiment. Il s'ouvrait quand on s'approchait et il vous aspirait en moins de deux. Dans ce bâtiment, il y avait des personnes à un degré de folie dépendant des étages. Au rez de chaussée, il y avait les gens introduits ici par erreur. Il y en avait peu. Au premier étage, ce sont les gens qui avaient de légers problèmes qui étaient facilement guérissables, au second étage, la folie était pire et déjà incurable. Au troisième étage, il y avait les hystériques, les gens en camisole. Il y avait un escalier étroit qui menait au quatrième étage, on y trouvait une porte blindée avec des tâches de sang. On entendait frapper et hurler des paroles incompréhensibles ou dans une langue étrangère... Jyou se voyait monter et ouvrir la porte... Elle sortit de son rêve éveillé en sursautant.

Un asile ? Pourquoi ?
J'étais au... rez de chaussée...

Réalisant qu'Omi n'était pas dans ses pensées pour deviner le sens de ses paroles, elle chercha une autre façon de formuler ce qu'elle voulait dire. Elle était totalement perdue et s'était faite une frayeur toute seule en étant dans la lune.

Mes parents m'y ont introduit en erreur. Ils m'ont laissée là-bas.

Jamais elle n'avouera avoir eu dans le passé quelques problèmes d'autisme. Personne ne doit savoir ! En plus, pour elle ce n'était pas grand chose car c'est vite guéri mais juste au moins les traces. Si tout le monde venait à apprendre ça, elle avait peur que ça la suive, qu'on l'humilie, qu'on rit de ses problèmes. Elle avait horreur de ça, et Omi semblait bien connaitre les gens, aussi bien dans ce monde que dans ce château remplis de gens tout plus ou moins étranges. Passons des pervers aux égoistes...

J'ai grandi dans la rue...
Oh... C'est pire...

Le paradoxe c'était que, pendant que Jyou était enfermée, elle regardait les fenêtres avec envie, et voulait s'évader. Elle voulait pouvoir arpenter les rues à sa guise sans qu'on la juge. Pour le peu qu'on la laissait sortir se promener, elle était accompagnée par un type avec une blouse blanche et sur elle, elle avait un uniforme spécial qui montrait aux gens qu'elle venait de l'asile. On la regardait comme une bête de cirque. Pendant ce temps, Omi était délivrée à elle même !
Dans ces deux cas, aucun n'était enviable.

Je n'ai pas de parents. Juste des géniteurs dont je ne sais rien et dont je ne veux rien savoir.
Ah...

Jyou vit à la manière dont Omi se crispait que quelque chose n'allait pas avec ses dits " géniteurs " mais il n'était pas concevable de demander quoi. Ca semblait déjà toucher assez la louve comme ça. Alors la tsuyoi, ne pensant pas à ses vêtements qui risquaient de se retrouver déchirés, prit la Yowai dans ses bras. Ca la rendait mal à l'aise de la voir comme ça... impossible de savoir pourquoi, encore une fois. Elle se contentait de la câliner un peu. Tout à l'heure, l'approche que lui avait fait cette femme au niveau de son cou l'a fait plutôt frissonner, mais elle n'a voulu rien dire, c'était bien trop gênant. Maintenant elle sentait la respiration de la louve au niveau de son cou, c'était pire.

Entre mauvais géniteurs et parents indignes, nous sommes dans le même cas. Je peux te comprendre.

Au rez-de-chaussée ? De quoi parlait-elle ? Elle disait des mots comme ça, des phrases qui n’avaient aucun sens.

« Au rez-de-chaussée ? De quoi tu parles ? »

Elle voulait comprendre… Mais est-ce qu’elle pourrait lui expliquer ? Apparemment, il y avait un semblant d’explication avec cette… introduction par erreur dans un asile. Mais était-ce vraiment une erreur ? Omi en doutait vraiment. Les gens n’envoyaient pas les autres quelque part par simple erreur. Il devait y avoir une raison, quelle qu’elle soit. Peut-être qu’elle avait vraiment été malade autrefois ? Ou peut-être tout simplement que ses parents avaient voulu s’en débarrasser ? Les deux étaient les explications les plus logiques et pouvaient parfaitement se regrouper. Surtout s’ils l’avaient laissée là-bas…

Pire… Le jeune Roi ne savait pas ce qui était pire entre grandir seule dans la rue ou bien être enfermée dans un asile. Ca dépendait sans doute de ce qu’on y vivait. Mais puisque Jyou avait parlé de ses parents, Omi avait également parlé des siens. Si on pouvait les appeler comme ça… Jamais ils n’avaient tenu leur rôle. Son père n’était qu’un simple violeur alors comment aurait-il pu s’occuper d’elle ? Et sa mère… Elle l’avait abandonnée car elle ne voulait pas d’enfant. Aucun de ses deux… parents… n’aurait pu s’occuper d’elle. Mais est-ce qu’avoir des parents et les voir ne pas s’occuper de nous n’était pas pire ? Elle ne pourrait le dire, elle ne l’a pas vécu. Mais ça ne semblait pas plaisant non plus…

Son câlin lui fit une sensation étrange. Elle n’avait jamais ressenti ça auparavant… Son cœur en avait loupé un battement. Elle avait déjà reçu des câlins, et en avait même donnés. Alors pourquoi celui-ci était… différent ? La louve ne comprenait vraiment pas, et resta un instant bloquée, avant de passer à son tour les bras autour de la belle brune. Sa tête dans son cou, elle restait immobile, respirant lentement, humant son parfum délicat.

« Ouais… On est sans doute dans le même cas… »

Toutes les deux avec une famille qui ne portait que le nom. Et rien d’autre. Il n’y avait aucun lien à part celui du sang, et encore. Il semblait être renié dans les deux cas.

Omi finit par relever la tête, son visage au niveau de celui de Jyou.

« Mais je doute qu’on se comprenne réellement… sauf en surface… »

Bizarrement, ses mots étaient dits avec une voix plus douce, presque comme un murmure. Sa main se leva et alla caresser sa joue, lentement, de son pouce. Elle resta un instant ainsi, ses yeux se plongeant dans les siens. Poussée par une étrange envie, elle allongea la brune sensuelle sur le banc, son corps suivant le même mouvement, se retrouvant aussi allongé, mais sur la Tsuyoi. Tout arrivait de façon… naturelle… Elle se laissait aller, totalement. Ses yeux vairons étaient plongés dans ceux d’un tendre marron de l’autre femme.

« On est… pareilles donc… toi et moi… »

Son visage se rapprochait du sien, son souffle se mêlant au sien. Les yeux de la louve étaient mi-clos, envoûtée par l’aura de Jyou.

« C’était peut-être pas un hasard… nous deux… »

Sa voix au timbre légèrement masculin avait murmuré ces dernières paroles. Juste avant un dernier mouvement, qui scella leurs lèvres. Une décharge électrique passa dans tout son corps, lui donnant un long frisson. Plus rien n’existait autour. Il n’y avait qu’elles, et ce baiser qui durait, tout seul. Les secondes passaient, sans qu’elles se montrent, si ce n’était par la saveur des lèvres de Jyou pour Omi. Elle ne sentait que du bien-être, et voulait continuer, ne pas s’arrêter. C’était si délicieux…

Son monde était troublant, voire même effrayant. Il n'avait aucun sens, hors mis celui de sa vie. Vierge, mais une tâche noire était infiltré dans ce blanc tout innocent, c'était donc l'asile. Jyou se demandait de quelle couleur était ce long " ruban " symbolisant la vie d'Omi... Certainement teinté de pleins de couleurs sombres, d'où cette expression " en avoir vu des vertes et des pas mûres. " Elle devait juste lui correspondre. Quand on vit dans la rue, on peut croiser n'importe quel timbré. En asile aussi, mais ils étaient encadrés.

Au rez-de-chaussée ? De quoi tu parles ?
J'ai dit ça ? Aucune importance.

La même réflexion envahie la jeune femme: avoir des parents indignes comme elle en a eu, ou avoir un violeur en tant que père et une mère qui n'assumait pas son enfant au point de l'abandonner dans la rue ? Quelle insouciance... Même si on sait que son gamin ne vient pas de l'homme de sa vie, si on est un minimum censé, on ne l'abandonne pas dans la rue.

Ouais… On est sans doute dans le même cas…
Hm.

Impossible de départager. De toute façon ce n'était pas un concours... Le concours de la personne ayant eu les pires parents du monde ! Les deux auraient pu se partager le trophée ! Ou peut être que d'autres personnes ont connu des histoires plus tragiques, bien que ce soit assez difficile à imaginer... Et l'envie d'imaginer une scène pouvant être dans le glauque ne faisait pas envier Jyou. Alors ce qui l'intéressait dès à présent était un potentiel changement de sujet, celui ci était triste et très sombre. Un sujet qui pourrait se baser sur d'autres souvenirs le moins sombre possible était le bienvenue.

Mais je doute qu’on se comprenne réellement… sauf en surface…
Euh... En surface ?

Ce qui suivit était assez étrange. Les gestes doux de la louve... Pourquoi ? Elle était entrain de caresser sa joue avec son pouce. Plus bizarre encore, Jyou se laissait faire. Elle n'a jamais voulu que quiconque fasse des gestes trop... " proches " d'elle. La tsuyoi avait une opinion trop sombre de tout ça. Ce que de nombreuses filles rêvaient à ce jour, elle le cauchemardait. Les Disney, par exemple, l'auraient fait vomir, donc heureusement qu'elle n'a jamais eu l'occasion d'en voir au cours de sa vie de prisonnière.

Que fais-tu ... ?

Elle se sentait allonger sur le banc, c'était léger, doux... sa main se crispait. Un réflexe. D'habitude elle s'en serait servie pour gifler l'autre. Mais pas sur Omi. Sa main se détendait peu à peu... Mais pourquoi tout ça ? De plus, Jyou s'est perdue dans le profond regard du roi de yowai.

On est… pareilles donc… toi et moi…
Sûrement...
C’était peut-être pas un hasard… nous deux…
Omi...

La conscience de la brune lui hurlait " dis lui d'arrêter ! dis lui d'arrêter ! " mais elle s'étouffait peu à peu, Jyou ne l'entendait plus... Alors elle se laissait charmer, et ressentait des choses agréables qui avaient, semble-t-il, disparues depuis cet épisode insurmontable lors de son séjour dans cet endroit effrayants où logent les plus détraqués. Et si... ?

Je...

Ce " je " n'avait pas de but précis. C'était comme de la bonne gêne. Ca s'est intensifié quand Omi a posé ses lèvres sur les siennes. Les yeux de la tsuyoi se sont à moitié clos et finalement elle se laissait faire, pour ensuite l'embrasser d'elle même. C'était long, tendre, agréable. Puis elle se souvint de l'épisode de la bibliothèque. Voulant juste être rassurée, à la fin de leur premier baiser, elle regardait Omi avec des yeux brillants et un peu inquiets.

Tu... Tu embrasses souvent les filles comme ça ?

En sentant les lèvres de Jyou répondre aux siennes, Omi ne savait plus où était la réalité ni où était le rêve. Rien n’existait à part elles deux, mais surtout ce baiser qu’elles échangeaient ensemble. Elle ne pensait à strictement rien d’autre à part ce goût qu’elle avait. Seule la Tsuyoi existait dans son esprit en cet instant.

Mais le baiser finit par être rompu, lentement, en douceur. Comme un rêve dont on ouvre les yeux, revenant petit à petit à la réalité. L’androgyne rouvrit davantage ses yeux, son regard croisant celui de la belle brune couchée sous elle. Elle resta un bien long moment à la regarder, son esprit s’évadant. Le regard de la jeune femme était étrange… Comme… une lueur inquiète. Mais pourquoi aurait-elle une expression pareille ? La question qu’elle posa réveilla un peu le jeune Roi, qui se sentait bizarrement perdu tout à coup.

« Non… »

Voilà une bien étrange question. Mais la réponse était toute trouvée, car réelle. Omi se surprenait elle-même en y repensant…

« Je n’ai jamais embrassé comme ça… »

Aucune femme, et encore moins un homme car elle n’était pas du tout attirée par eux. Mais non, jamais elle n’avait eu un tel baiser, qu’il soit reçu ou donné. D’habitude, les baisers qu’elle donnait étaient très simples, et c’était en toute amitié. Même avec Hiko, avec qui pourtant elle avait des relations sexuelles, elles ne s’étaient jamais embrassées comme ça. Il y avait quelque chose de différent là… Mais elle ne saurait expliquer quoi, comment ni pourquoi. Elle ne pourrait rien expliquer en fait.

Ses doigts caressèrent doucement le visage de la belle, toujours son regard dans le sien. Ils allèrent vers ses lèvres, qui étaient terriblement tentantes… Pourquoi cette envie de les embrasser, encore une fois ? Elle ne devait pas… Elle devait résister, ne pas succomber.

La Louve se redressa lentement, avec difficulté. Pourquoi l’avait-elle embrassée ? Pourquoi avait-elle autant aimé ? Pourquoi voulait-elle recommencer ? Tant de questions, mais bien trop peu de réponses. Il n’y en avait même aucune à dire vrai. L’androgyne ne savait pas du tout quoi penser de ses propres actes. Elle était complètement perdue, et c’était uniquement à cause d’elle-même. C’était elle qui avait embrassé Jyou, et qui en voulait encore. Mais elle lui avait répondu… Et ça, ce n’était pas anodin…

Elle tourna les yeux vers la femme si sensuelle, et se tourna vers elle. Sa tête était penchée légèrement, ses yeux baissés à présent. Elle n’osait pas la regarder en face, pas pour l’instant en tout cas. Omi finit par la regarder à nouveau, son corps à nouveau proche du sien.

« Dis… »

Elle hésita… Mais il fallait bien qu’elle se lance. Elle voulait avoir sa réponse.

« Pourquoi… tu as répondu ? »

Le blanc qui ornait le monde de la tsuyoi prit l'espace de quelques instants, une couleur un peu plus rosée, mais encore trop pâle pour être jugé plus joli qu'avant. Non, l'inquiétude de Jyou était encore trop immense pour permettre une percée de couleurs dans son imagination. Pour elle, tout est noir, mais rien n'empêche certaines choses d'être d'une couleur visant le blanc. Tout redevint normal à la fin du baiser, même si l'instant présent restait agréable... Les yeux dans les yeux, comme un couple capable d'en dire long rien qu'avec un jeu de regard.

Non.
Oh...
Je n’ai jamais embrassé comme ça…
Vraiment... ? Mais je voulais dire que...

Omi n'avait pas compris où est ce que Jyou voulait en venir, mais un quiproquo pouvait vite arriver. Et puis la réponse lui faisait quand même plaisir, seulement elle voudrait être rassurée en tout points.

Une blessure encore sanglante dans son esprit l'ornait, elle cicatrisait à peine, on pourrait penser qu'un petit coup pourrait entrainer une hémorragie qui, cette fois, ne s'arrêterait pas. Ayant été forte dans le passé, elle a pu surmonter sa première peine amoureuse avec quelques difficultés, mais si une autre devait mal se passer, eh bien ... Elle serait brisée. Vraiment brisée. Un peu perdue, elle était un peu plongée dans ses pensées, en réfléchissant, par exemple à comment demander à Omi si elle était prête à être sérieuse avec quelqu'un. Pas qu'elle avait envie d'être en couple avec la louve... peut être un peu, mais c'était de la curiosité aussi. Pourquoi ne pas mieux connaitre sa Yowai ? La tsuyoi se disait qu'elle allait souvent retomber dessus, avec ou sans son bon gré, alors le mieux était d'en connaitre un peu plus.

Dis…
Oui ?

Avant qu'elle ne put se lancer, Omi avait commencée première. De ce fait, la brune se stoppa dans sa lancée, et était à l'écoute du roi. Elle avait remarqué de légers tremblements chez lui, ne comprenant pas pourquoi... Une pulsion comme ça, surement.

Pourquoi… tu as répondu ?
Je ne sais pas. Et toi, pourquoi m'as tu embrassée ?

Sentant qu'elle était sur la bonne piste pour poser la question qui pourrait baisser ou augmenter ses craintes selon la réponse qu'elle recevrait de la part de son interlocutrice. Jyou avait peur. Elle déglutit, se préparant plus au pire qu'au mieux, comme à son habitude avec ses manies pessimistes. Les portes de l'asile claquaient à cause du vent, dans sa tête. Le stress, mais elle le cachait partiellement bien, notamment en reprenant une expression neutre comme à son habitude.

Je veux dire... Tu embrasses beaucoup de filles ? Sans prévenir ? Tu aimes bien changer de partenaire ? Tu vois où je veux en venir...

Elle se mordilla les lèvres, et voulu toujours ajouter quelque chose, pour retarder la réponse qu'elle redoutait. Quel mépris naitrait en elle si elle se rendait compte qu'elle s'est laissée bernée par un baiser, un baiser d'une personne qui se fiche d'elle... Comme ce garçon.

Elle ne savait pas ? C’était une réponse bien étrange. Mais… Non. En fait non, ça ne l’était pas tant que ça. Vu que c’était pareil pour la jeune Louve. Elle baissa la tête, regardant devant elle, pendant quelques instants. Mais elle devait répondre à la question de Jyou.

« Je ne sais pas… »

Elle marqua une légère pause, avant de reprendre pratiquement quelques secondes après.

« J’en ai eu envie. »

C’était la seule raison qui lui venait à l’esprit. Mais était-ce une bonne raison ? Dans certains cas oui, dans d’autres, sans aucun doute que non. Mais comment savoir avec cette femme ? Omi doutait qu’elle lui ferait savoir ce qu’elle en pensait. Pourquoi dirait-elle quelque chose par rapport à ça de toute façon ? Mais elle fut surprise que la Tsuyoi remette cette histoire sur le tapis. Elle avait mal répondu à sa question ? Au fur et à mesure, ses sourcils se froncèrent, se trouvant vexée par ce qu’elle disait. Elle finit par se lever, poings serrés.

« Tu me prends pour une libertine, c’est ça ? Quelqu’un qui n’a pas d’honneur et qui joue avec les femmes pour son plaisir personnel ? Ben non, je suis pas comme ça ! »

Elle serra les crocs, tournant le dos à la brune sensuelle. Les bras croisés sur son torse, elle se sentait rabaissée.

« La façon dont j’embrasse, c’est par amitié. Je vois pas en quoi c’est gênant que je sois amicale. »

Mais aussi…

« Je ne change pas de partenaire comme ça. Pour le faire, faudrait déjà que j’en ai une. »

L’androgyne ouvrit grand les yeux. Pourquoi avait-elle dit ça ? Jyou n’avait pas besoin de savoir une telle chose ! Elle se maudit elle-même, en silence. Finalement, elle décroisa les bras, et se tourna vers la belle Tsuyoi.

« Pourquoi tu me demandes ça ? Ce n’est pas plutôt toi qui es jalouse ? »

La brune avait dit du Roi qu’il était jaloux, vu son comportement face au Tsuyoi qui avait cherché à attirer la belle dans son lit. Et si c’était plutôt Jyou qui était jalouse qu’Omi puisse embrasser d’autres femmes ?

Alors nous obtenons deux ignorantes, incapables de justifier leurs gestes. Elles se sont embrassées, elles se sont câlinées, elles se sont regardées longtemps dans les yeux de l'une de l'autre à en se perdre. Mais voilà, tout ces signes qui habituellement ne trompent pas ne les aident pas non plus. Il faut dire que l'on a à faire à deux expertes... Ironie.

Je ne sais pas…
Tu ne sais pas ... ? Tu m'embrasses et tu ne sais pas pourquoi ?

Jyou a commencé à s'enflammer, on le sentait dans son ton. Elle a pris un air un peu plus mauvais et agacée. Oh si elle s'est faite embrassée sans que l'on puisse expliquer pourquoi, ça n'allait pas lui plaire. Elle détestait qu'on se moque d'elle d'un point de vue sentimentale. Au moins ça aurait pu être pire: mariage avant le sexe, une connerie comme ça pour se prouver qu'on s'aime. Là dessus, elle trouvait l'idée stupide car se retenir de faire tout ça était comme se retenir de s'embrasser, d'exprimer ses sentiments. Non, vraiment cette tradition est débile.

J’en ai eu envie.
Tu en as eu envie ?! ENVIE. Tu veux pas non plus coucher avec moi aussi ?!

Elle cracha par terre, visiblement très énervée. Elle est passée de la jeune femme glaciale à la jeune femme douce et attendrie pour en arriver à la jeune femme en pétard qui exprime sa colère. Oui, elle cracha donc par terre, aux pieds d'Omi. Pas sur Omi, elle n'était pas non plus irrespectueuse, elle souhaitait juste lui montrer que ce n'était pas la peine de recommencer.

Tu me prends pour une libertine, c’est ça ? Quelqu’un qui n’a pas d’honneur et qui joue avec les femmes pour son plaisir personnel ? Ben non, je suis pas comme ça !
Alors tu es stupide, tu te dis pas libertine mais tu embrasses, tu ne sais même pas pourquoi.

Elle gardait ce ton froid et horriblement distant.

La façon dont j’embrasse, c’est par amitié. Je vois pas en quoi c’est gênant que je sois amicale.
Garde ta salive pour tes amies, alors.
Je ne change pas de partenaire comme ça. Pour le faire, faudrait déjà que j’en ai une.
Demande à tes amies que t'embrasses.

Impossible de se calmer, on aurait dit qu'elle allait mordre au moindre contre-coup qu'on lui ferait. Quand elle est énervée, elle baisse la tête et se la tient avec ses deux mains et dérange volontairement les cheveux du devant en se massant le crâne, brièvement. On se serait encore moqué d'elle ? Stupide roi des yowai ? Non, stupide humanité.

Pourquoi tu me demandes ça ? Ce n’est pas plutôt toi qui es jalouse ?
... Jalouse de toi ? Jalouse de TOI ? Mort de rire.

La tsuyoi s'est rapidement levée du banc, attrapant brusquement son bras gauche avec sa main droite et le griffait nerveusement pour se calmer, mais rien à faire.

Non mais elle allait pas bien cette femme ? Pourquoi est-ce qu’elle s’énervait comme ça ? Omi fronça les sourcils, commençant à sentir la tension monter en elle. Pour qui se prenait-elle cette femme ?

« Tu t’es pas regardée toi ! Tu sais même pas pourquoi tu m’as répondu, alors viens pas me faire la morale ! »

C’est vrai quoi. Elle était aussi fautive sur son ignorance de ce baiser. L’androgyne l’avait embrassée, c’est vrai, mais Jyou avait répondu à ce baiser. Alors elle avait aussi sa part de responsabilité. Comment un baiser pouvait déboucher sur… une engueulade, d’ailleurs ? C’était vraiment étrange quand on y réfléchissait. Elle recula d’un pas, les yeux grands ouverts. Elle partait vraiment loin, cette Tsuyoi !

« Coucher avec toi ? Non mais tu veux rire ! Comme si t’étais assez désirable ! »

Elle détourna la tête, sentant quelques rougeurs apparaître. Pourquoi ? Ne penserait-elle pas ce qu’elle disait ? Avait-il dit ces mots pour blesser cette femme qui l’agressait ? Possible… En y repensant… Cette femme était magnifique, et d'une sensualité envoûtante. La Louve se demandait ce que ça pourrait bien faire d'avoir une telle femme dans ses bras. Ce ne serait pas du tout la même chose qu'Hiko, ça allait sans dire. Jyou… nue dans ses bras… les joues teintées de rouge… la bouche entrouverte, qui gémissait son nom entre deux expressions de plaisir… Cette vision eut pour effet de faire rougir le jeune Roi, qui sentit un peu de sang couler de son nez. Elle l'essuya bien rapidement, pour que rien ne transpire de ses pensées pour le moins perverses. En fait si… La brune était bien assez désirable… Mais elle n’allait pas la laisser lui marcher dessus comme ça. Omi n’avait pas dit son dernier mot. Elle voulait se battre ? Elle allait être servie.

Et en plus elle crache par terre… Quel manque de respect ! Elle n'avait pas d'humilité ou quoi ? Ou bien peut-être qu'elle cherchait tout simplement à la provoquer ? Que ce soit le cas ou non, hors de question de la laisser dicter sa loi. Elle aussi, elle pouvait avoir du répondant !

« Tu réponds bien, toi ! Et tu sais pas pourquoi non plus ! »

Mais elle avait quoi avec ses amies ? Elle ne les connaissait même pas. L’androgyne serrait les crocs, ainsi que les poings. Cerbère se sentait échauffé lui aussi, mais elle le retenait. Non, elle ne devait pas commettre de faute. Ce n’était qu’une joute verbale, et ça devait s’arrêter là. Ca ne devait pas aller plus loin que les mots. Surtout pas…

Jalouse d’elle ? Omi se mit à rire à son tour, se moquant de Jyou. Elle trouva son geste assez étrange, mais ne devait pas s’en soucier.

« J’pensais pas à ça, mais ouais. Puisque tu le dis, c’est qu’il y a une part de vérité ! »

Elle s’approcha de la jeune femme et l’attrapa par les bras. Elle fit reculer Jyou, la plaquant sans douceur ni violence contre l’arbre qui était un peu plus loin, derrière le banc sur lequel elles avaient été quelques instants auparavant.

« Mais t’es plutôt jalouse que je t’appartienne pas, c’est ça hein ? Tu crois quoi ? Qu’il te suffit d’arriver ici et de demander d’avoir un chien bien dressé pour toi toute seule ? Ben t’es mal tombée, c’était y’a des années cette période. Maintenant, nous sommes libres, et on compte bien le rester. »

Bon sang… Son parfum se sentait encore. Si tentant et si envoûtant. Ce désir la reprenait… Mais elle devait lutter, et ne pas succomber. Malgré que leur proximité ne l’aidait en rien.

Mais elle ne résista pas. Ses lèvres retrouvèrent à nouveau celles de Jyou, mais pour un baiser différent de celui qu'elle lui avait donné il y avait peu. Il fut plus passionné, plus fougueux. Son corps se rapprochait petit à petit du sien, jusqu'à le toucher, alors que ses lèvres savouraient davantage celles de la Tsuyoi. Son souffle était rapide et saccadé, alors que le baiser s'approfondissait. Sa langue se mit à aller chercher celle de la belle brune, la touchant, la frôlant, jusqu'à la caresser avec une certaine envie. L'une de ses mains se posa dans le creux de ses reins, alors que l'autre s'était glissée dans les cheveux ondulés de Jyou, à l'arrière de son crâne. Et ça dura...

Le manque de souffle les fit stopper ce baiser intense. Omi avait un peu de mal à respirer, et posa son front contre celui de cette belle femme. Elle frôla à nouveau ses lèvres des siennes, lui donnant peu après un lent baiser, mais plus doux. Son front se retrouva sur l'épaule de sa Tsuyoi, ses mains étant descendues sur ses hanches fines.

« Appartiens-moi... et je t'appartiendrai... »

La colère qui avait envahie la jeune femme l'a littéralement empêchée de mieux raisonner quant à son geste. C'était tellement facile d'accuser les autres, de tout en remettre sur leurs dos, mais avouer ses torts c'était une autre paire de manche. Elle s'est emportée car la réponse qu'elle désirait n'était pas ce qu'elle attendait, et de loin. Elle se sentait réduite à l'état d'objet, comme un rien... Un bout de gâteau. Cette peur, cette honte l'ont incitée à faire cette succession de gestes irréfléchis. D'abord crier sur Omi et la faire passer pour quelqu'un d'irresponsable alors que la tsuyoi avait répondu au baiser, mais en plus elle a craché par terre. C'était sale.

Tu t’es pas regardée toi ! Tu sais même pas pourquoi tu m’as répondu, alors viens pas me faire la morale !
Je te fais la morale si ça me chante !

Encore une réponse irréfléchie, de plus ce n'était pas son genre de se la jouer aussi gamine... Elle n'aimait pas se rendre compte de ses torts, alors probablement essayera-t-elle de " survivre " pour remettre à plus tard le dernier mot d'Omi, le roi des Yowai. Oh non c'était si embêtant de ne pas avoir raison, mais il fallait s'avouer vaincue, pour cette fois.

Coucher avec toi ? Non mais tu veux rire ! Comme si t’étais assez désirable !

Incompréhensible pour la tsuyoi: ce coup de poignard virtuel qu'elle crut recevoir à ces mots, ils étaient durs et aussi descriptible que du chinois. Après tout ce qui s'est passé, dans un premier temps, elle se prend une remarque comme quoi elle n'était pas désirable et... Ce qu'elle ne comprenait pas par dessus tout était cette sensation de malaise... Elle n'aimait pas que l'on fasse des remarques sur son physique, c'est vrai. Elle voulait largement que les gens gardent leurs avis pour eux mais... Ce genre de malaise était différent. On lui aurait dit qu'elle était moche, elle s'en serait totalement fichue, peut être l'aurait-elle marqué par un geste d'agacement. Cependant, ces mots venaient d'une bouche qui pouvaient très aisément influencer ses émotions comme il était simple de le voir tantôt avec sa soudaine colère.

Vraiment ? Je m'en fiche.

C'était absolument faux, elle était touchée. Et si ça se voyait ou non ? C'était à voir si on pouvait lire le visage d'une femme capable de masquer aussi facilement ses émotions. Physiquement il n'y avait aucun problème, mais son timbre de voix marquait un léger tremblement qui mettait en évidence une certaine déception venant de l'interlocutrice de la Yowai.

Tu réponds bien, toi ! Et tu sais pas pourquoi non plus !
Je pensais que... tu savais pourquoi tu faisais ça !

Un baiser qui engendrait une engueulade, effectivement c'était improbable. La brune avait pu émettre une hypothèse alors que la louve l'avait descendue sur son attirance. Pourquoi avoir répondu au baiser alors qu'elle s'était refusée à ce genre d'expérience ? C'est simple... Peut être qu'elle aimait tout bêtement ! Cette pensée l'a frôlée, et elle l'a immédiatement mise de côté car c'était ... juste idiot. En ce moment elle cumulait les questions idiotes et les pensées idiotes. Si elle le disait à Omi, elle se moquerait probablement d'elle, comme elle l'a fait tout à l'heure. C'était sa fête quoi... Heureusement qu'elle avait du répondant et quelques piques à lancer.

J’pensais pas à ça, mais ouais. Puisque tu le dis, c’est qu’il y a une part de vérité !
Conneries.

Impossible de dire autre chose à vrai dire, elle savait qu'elle sentirait ce frisson qui parcourt le corps lorsque l'on dit des mensonges. Pourtant ce n'était pas un mensonge. Pourquoi serait-elle jalouse ? Il fallait arrêter de dire des " conneries ", là vraiment... Une force supérieure à la sienne lui empoigna le bras et la plaqua contre un arbre. Ce genre de situation tirée des romans à l'eau de rose. Bon, vue les circonstances, c'était plutôt à l'eau de ... plante carnivore, si ça existait ...

Mais t’es plutôt jalouse que je t’appartienne pas, c’est ça hein ? Tu crois quoi ? Qu’il te suffit d’arriver ici et de demander d’avoir un chien bien dressé pour toi toute seule ? Ben t’es mal tombée, c’était il y a des années cette période. Maintenant, nous sommes libres, et on compte bien le rester.
Conneries, encore.

Ce sont les deux mots qui sont sortis, mais derrière elle aurait tant voulu dire plus de choses. Elle était tellement incompréhensible parfois que même elle ne se comprenait pas. Jyou se demandait pourquoi elle n'avait pas dit autre chose, pourquoi elle ne s'était pas expliquée. Oh, elle aurait tant voulu dire qu'elle ne voulait pas aller jusqu'à considérer Omi comme un chien, lui dire qu'elle aurait voulu nouer quelque chose avec elle... Tenter quelque chose. Quoi ? Non ! pas ça, bien sûr que non elle ne voulait pas de ça ! Tenter quelque chose avec Omi ? Mais mon dieu, elle n'était pas désespérée ! Sauf que lorsque l'on regardait Omi, ce n'était pas le désespoir qui nous poussait à l'aimer et à la désirer, c'était plutôt l'espoir même. Jyou rougissait ... Un sourire niais naissait sur ce visage glacial.

Je veux dire que...

Et ca recommença... Elle était totalement sous le charme du roi. C'était comme une drogue, un truc dont on ne pouvait se détacher... Encore une fois, elle a répondu au baiser, c'était très passionné aussi de son côté. Ses pensées se bousculaient dans son esprit... Mais ses yeux ont fini par ses fermer et son esprit s’apaisait. Le départ était tendu, engendré par un manque de confiance en Omi mais surtout en soi. Après quoi, le problème s'était levé et le couple... " le couple " ressemblait à ce qu'il paraissait: un couple.

Le baiser se stoppa, la tsuyoi fut marquée par l'ignorance... Le questionnement, après cette pause afin de reprendre sa respiration. Rien au monde ne pourrait lui faire oublier ce qu'elle venait de vivre avec omi. Rien. C'était unique, mais... pourquoi ?

Appartiens-moi... et je t'appartiendrai...
Tu ... Quoi ?

Elle était étrange, cette Yowai. Elle semble être si libre et sauvage. Tout à l'heure encore, elle disait à Jyou qu'elle ne comptait pas se laisser délivrer comme ça, aussi facilement à elle. Son arrivée, ses claquements de doigts, quoi qu'il en soit, n'amènerait à aucun signe de soumission de la part d'un animal aussi sauvage et libre qu'elle ! Confusion... Sa confiance en soi remontait, redescendait... Et si elle allait se servir d'elle ? Comme on l'a fait dans le passé... C'était là sa plus grande peur.

J'en ai envie mais j'ai peur...

Tout ce qui était passé avant n'était qu'une succession de joutes verbales, afin de savoir qui pourrait faire le plus mal à l'autre. Ca allait loin, très loin même. Mais c'était ainsi, quand la haine parlait. Mais était-ce vraiment de la haine qu'il y avait entre elles ? Ou était-ce simplement un moyen de pas se perdre de vue ? De toujours attirer l'attention de l'autre ? C'était bien possible après tout. Même elles ne devaient pas savoir pourquoi elles s'attaquaient autant. Mais c'était là, elles ne pouvaient pas s'empêcher de se chercher, de s'envoyer des pics. Mais après, la Tsuyoi semblait perdre de sa répartie. Elle ne disait plus que "conneries", un mot qui avait bien peu de puissance, surtout quand on le comparait aux phrases qu'elle avait eues juste avant. Elle avait remarqué qu'elle avait perdu en assurance au moment où l'androgyne lui avait dit qu'elle n'était pas désirable. Ca avait semblé l'affecter... Mais pourquoi ? De l'égo ? Ou... autre chose... ?

Jyou avait répondu au baiser, ce qui avait plu à Omi. Elle ne pourrait expliquer pourquoi, elle savait juste que c’était ce qu’elle ressentait, qu’elle avait aimé sentir sa Tsuyoi répondre au baiser. Elle aurait bien voulu continuer encore et encore, ne jamais s’arrêter. Mais il fallait bien reprendre son souffle. Alors elle du stopper le baiser, le souffle légèrement haletant, faiblement saccadé.

Ses mots avaient étonné la belle brune ? Le jeune Roi leva les yeux vers les siens, ainsi que sa tête, l’ayant posée sur l’épaule de la jeune femme sensuelle. Son regard s’était plongé dans le sien. Sa main s’était levée à hauteur de son visage pour lui caresser doucement la joue de son pouce. Ses yeux mi-clos regardaient ce si doux visage. Elle avait l’impression d’être totalement charmée par la Tsuyoi qu’elle avait face à elle. Charmée ? Non… Elle ne devait pas… Elles sont sensées être ennemies… Mais c’était bien là. Elle se sentait irrémédiablement attirée par Jyou.

Elle l’entendit murmurer. Par chance, elle parvint à distinguer ce qu’elle avait dit. Omi se rapprocha un peu, son front posé contre celui de la belle brune aux cheveux ondulés. Ses mains tenaient doucement son visage.

« De quoi as-tu peur… ? »

La Louve avait murmuré elle aussi, comme pour ne pas briser un silence, un moment de confidences.

Son pouce alla caresser les lèvres de Jyou, avant d’aller les frôler de ses lèvres. Elle était si tentante… Son visage légèrement penché sur le côté, elle était prête à l’embrasser de nouveau. Pourquoi cette envie de toujours l’embrasser ? Pourquoi ce désir de goûter ses lèvres ? Elle les adorait, elle en aimait leur goût, Omi ne pouvait le nier.

« Jamais je ne te ferai de mal… »

Et elle l’embrassa de nouveau. Cette fois, ce baiser ne fut pas passionné, mais tendre. Leurs lèvres se frôlaient principalement, s’embrassaient de temps en temps. Elles étaient tel un couple qui profitait du calme environnant. Telles deux amoureuses qui partageaient leurs sentiments avec ces douces étreintes et ces tendres baisers. Il ne manquait plus que les « je t’aime » en fait.

Après plusieurs minutes à agir ainsi, elles se stoppèrent. Le jeune Roi regardait la sensuelle Tsuyoi, les yeux mi-clos. Elle eut un petit sourire, en sentant leur proximité qui n’avait rien de forcé. Puis, prise d’une pulsion, elle souleva la jeune femme dans ses bras, la portant les bras sous le bassin. Elle était assise sur les deux bras d’Omi en fait. Elle pouvait passer ses bras autour de son cou pour ne pas tomber, ou du moins pour ne pas en avoir la sensation.

« Tu vois… Je te tiens… »

Elle eut un petit sourire étrangement doux. Son regard l'était aussi d'ailleurs, et une lueur inconnue encore régnait dans ses yeux. Quelque chose que la Louve ne connaissait pas… Elle se fit bien plus tendre tout à coup, comme si la bulle venait de se reformer autour d'elle, et que plus rien n'existait autour.

« Laisse-toi guider par tes envies… »

L’androgyne avait posé sa tête là où elle pouvait, sur le corps de la brune. Et il se trouvait que c’était au niveau de son cœur, juste sur son sein gauche. Elle le sentit et ferma les yeux, souriant aux battements du cœur de Jyou.

« Je… j’ai envie de t’appartenir… »

Pourquoi ? En quoi ? Comment ? Tout ça, elle l’ignorait. Elle sentait juste cette envie qui la prenait au plus profond d’elle, retournant ses trippes et faisant battre son cœur. Elle avait envie que Jyou lui appartienne, et qu’elle-même appartienne à cette femme d’une sensualité sans pareille, à l’âme forte et aussi indomptable que la sienne.

« Alors appartiens-moi… »

Elle se mordit la lèvre, serrant un peu plus cette femme dans ses bras, comme elle pouvait. Elle avait envie de dire quelque chose, elle le voulait. Mais le devait-elle ? Peut-être que oui. En fait, elle sentait qu'elle devait mettre les choses au clair. Elle ne voulait pas lui mentir, même si ça avait volontaire pour la blesser.

« Tu sais… Je… T'es très désirable… »

Omi se mit à rougir, n'osant pas croiser le regard de Jyou à nouveau.